par Marie-Claude Renucci Ivanov & Ivaylo Ivanov
La musique des Balkans
Jusque là pratiquement ignorée, c’est le compositeur Béla Bartók (1881-1945) qui fait figure de précurseur dans la découverte et l’étude de la musique des pays de l’Europe de l’est (Roumanie, Hongrie, Bulgarie) et qui réalisera, à l’aide d’un gramophone les premiers enregistrements sonores. Plus tard, en Europe de l’ouest on découvre la musique bulgare dans les années 70-80 grâce au choeur a cappella (chant sans accompagnement instrumental) « Le Mystères des voix bulgares ». L’engouement du public est dû à «l’étrangeté » de ces chants mettant en relief les dissonances (frottements de deux sons), la profusion des ornements, les rythmes complexes et surtout par une technique vocale particulière très éloignée de celle pratiquée chez nous. Depuis, de nombreux groupes de danseurs et de musiciens se sont formés un peu partout en Europe de l’ouest et pratiquent la musique bulgare ainsi que celle d’autres pays des Balkans en s’attachant non seulement à la restituer mais aussi à créer un nouveau répertoire largement inspiré de la tradition.
Parmi eux, le groupe « Aksak » qui est basé dans notre région (le sud-est de la France) et qui a fêté ses 20 ans en 2010. Ils ont enregistré de nombreux CD de musiques des Balkans et se produisent assez régulièrement en concert un peu partout en France et à l’étranger ou lors de bals. Le nom de leur groupe veut dire ‘boiteux’ comme les rythmes irréguliers et ce terme a été employé par B. Bartók
Il existe maintenant une réelle dynamique autour de ces musiques qui s’est répandue un peu partout dans le monde.
La musique bulgare
La musique traditionnelle bulgare est d’une très grande richesse. Le nombre de chants et de danses est incalculable ; par exemple à Petritch (village à l’extrémité sud ouest de la Bulgarie) il y a plus de 40 hora.
Un horo est une danse collective formant un cercle ou un demi cercle non fermé – au pluriel le mot devient hora
A écouter: horo, interpreté par l’orchestre Parvomay
source: bg-popfolk.com
Cette musique qui s’est transmise jusqu’au 19ème siècle de façon orale (c’est-à-dire sans partition) est arrivée jusqu’à nous grâce au travail des musiciens et ethnomusicologues (Musiciens scientifiques qui s’occupent de « collecter », d’enregistrer les musiques, de les conserver, de les classer. Béla Bartók fut aussi un ethnomusicologue) qui ont pu noter, enregistrer, conserver, étudier, transmettre, rejouer ou revisiter ce répertoire.
Caractéristiques
Il s’agit d’une musique soit chantée, accompagnée ou non d’instruments, soit instrumentale quand elle est destinée à la danse. Il y a aussi des musiques seulement instrumentales (par exemple ovtcharski svirni – musique de berger)
La musique bulgare se caractérise par l’emploi de rythmes asymétriques à 5/8, 7/8, 9/8, 11/8, 15/8 que Béla Bartók nomme le premier, rythmes aksak ou boiteux.
Les principaux modes sont le mode Majeur et le mode mineur (que l’on utilise aussi dans la musique classique) et le mode Hičaz d’influence orientale (A partir de mi = mi, fa, sol#, la si avec la seconde augmentée entre fa et sol#) . Il est fréquent de passer d’un mode à l’autre au cours d’un long morceau, c’est ce qui en fait le charme.
Emmanuel Frin et l’orchestre Topolovo
La musique bulgare est très différente selon les régions au niveau des rythmes, du caractère des danses, des chants et de l’emploi de certains instruments ainsi que des costumes lorsqu’il s’agit de les danser de façon traditionnelle.
La musique qui nous a été transmise faisait partie de la vie de tous les jours : chants et danses de travail (kasapsko horo ou danse de boucher), rencontres amoureuses, épopées historiques, chants de haïdouti (résistants contre l’Empire Ottoman), chants de déploration (perte d’un fils). Elle accompagnait les fêtes de villages, les « sedenki » ou veillées collectives où tout le monde travaillait et les rituels (mariage, nestinarstvo – danse sur les braises, etc…).
à suivre…